Douleur silencieuse, espoir tenace : fragments d’un corps en lutte N° 74

<C’est en écoutant ma douleur que j’ai trouvé ma force et en accueillant mes cicatrices que j’ai redonné sens à ma vie.  >> 

Avant mes 18 ans, j’ai commencé à ressentir de fortes douleurs pelviennes, intenses et invalidantes. Elles ont longtemps été attribuées, à tort, à des règles douloureuses. Cette explication, souvent banalisée, n’a cessé d’être répétée, malgré l’aggravation des douleurs et les multiples passages aux urgences. À force d’insistance, mon gynécologue m’a prescrit une pilule contraceptive en continu, sans interruption, dès 2020, soit cinq ans après l’apparition des premiers symptômes.

Ma mère a été témoin de chacun de ces allers-retours. Elle m’a accompagnée, réaccompagnée, soutenue, parfois en pleine nuit, toujours présente malgré la fatigue et l’inquiétude. Elle a porté ce combat avec moi, avec une force silencieuse et une douleur visible. Je voyais à quel point cela lui était difficile ainsi qu’à ma famille : me voir souffrir sans pouvoir me soulager les bouleversait. C’était pour eux une épreuve aussi émotionnelle que, pour moi, physique. Plus tard, mon compagnon a lui aussi pris le relais de cette présence quotidienne. Impuissant parfois, profondément touché, il a partagé cette épreuve à mes côtés, dans l’ombre comme dans les moments les plus éprouvants.

C’est en 2023, après mon arrivée en Suisse, que tout a changé. Un passage aux urgences a marqué un tournant. La gynécologue qui m’a prise en charge m’a écoutée, vraiment écoutée. Elle m’a orientée vers une spécialiste en cabinet privé. Dès notre première rencontre, cette dernière a su prendre en compte l’ensemble de mes symptômes : douleurs pelviennes intenses, hémorragies vaginales et infections urinaires à répétition, incapacité à me lever, repliée sur moi-même en position fœtale. Une Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) a été prescrite, confirmant ENFIN un diagnostic d’endométriose. Elle m’a proposé une pilule hormonale spécifique à l’endométriose, mais j’ai préféré ne pas modifier mon traitement habituel, par crainte des effets secondaires.

En août 2024, lors d’un rendez-vous chez ma gynécologue avec mon compagnon, nous avons exprimé notre désir d’enfant. Elle nous a alors expliqué que si je souhaitais arrêter la pilule pour concevoir, après deux années de recours à diverses médecines alternatives — ostéopathie pelvienne, phytothérapie, anti-inflammatoires —, la chirurgie devenait incontournable. D’autant plus que les douleurs pendant les rapports étaient devenues insupportables depuis plus d’un an. 

Elle m’a alors orientée vers un professeur spécialisé dans la chirurgie de l’endométriose et m’a reproposé une pilule hormonale spécifique à l’endométriose, que j’ai fini par accepter. En novembre 2024, j’ai été opérée. Je pensais, naïvement, que tout allait s’arrêter là. Que la douleur allait enfin me laisser en paix. Mais elle a persisté. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à mieux identifier ses différentes formes : douleurs pelviennes liées à l’endométriose, mais aussi décharges électriques dans les plis inguinaux, à gauche comme à droite.

Face à cette souffrance persistante, ma gynécologue m’a dirigée vers un centre de rééducation sensitive de la douleur en décembre 2024. D’abord sceptique, je ne comprenais pas comment une rééducation pouvait apaiser une douleur aussi complexe et enracinée. Mais j’y ai rencontré deux thérapeutes exceptionnels, Sandrine et Claude, qui m’ont accompagnée dans un véritable processus de reconstruction.

Ils ont commencé par poser un diagnostic précis : je souffrais d’une névralgie et d’une allodynie. Ils m’ont appris à comprendre mes douleurs, à les apprivoiser, à en reconnaître les mécanismes. Grâce à des exercices quotidiens, progressifs et adaptés, j’ai vu la douleur reculer peu à peu. Les décharges électriques sont devenues moins fréquentes. Certaines capacités que je croyais perdues à jamais revenaient doucement. Après chaque séance, le chemin restait difficile : il m’arrivait de pleurer dans ma voiture sur la route du retour, submergée par le doute. Mais au fond de moi, je gardais l’espoir.

Et cet espoir m’a portée jusqu’en mars 2025. Pour la première fois depuis des années, je pouvais retoucher mon propre corps, même les zones les plus sensibles. À la fin avril 2025, je ne ressens presque plus ces décharges, et je peux à nouveau percevoir le toucher sans douleur. Je revis.

Après quatre mois et demi de thérapie, la douleur ne domine plus ma vie. Je souris à nouveau. Je retrouve peu à peu celle que j’étais. Mon compagnon et mes proches me redécouvrent, soulagés et heureux.

Je tiens à remercier profondément ma gynécologue qui m’a dirigée vers ce centre spécialisé et aussi, Sandrine et Claude, qui m’ont accompagnée avec bienveillance et professionnalisme tout au long de cette thérapie. Grâce à leur méthode, leur écoute et leur patience, j’ai pu reprendre le contrôle de mon corps… et de ma vie.

Aujourd’hui, j’ai de l’espoir. Et surtout, je suis fière du chemin parcouru.

L. G.

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